Le Silence de la Realité

Evolution Spirituelle ou Involution de la Conscience.

S.Pucelle -

Que l'on se considère comme une personne spirituelle ou non, que l'on pense que la spiritualité a joué un rôle positif ou négatif dans l'histoire, il est indéniable que nous autres humains nous sommes engagés dans ces activités depuis la nuit des temps : étude, méditation, jeûne, prière, recueillement, dévotion, purification, discipline, marquant ainsi l'évolution de l'humanité.

Dans la recherche de la connaissance et de la sagesse, on peut se poser la question suivante : Comment savoir ce qui est réel ?

Il est courant de s'interroger sur son existence et sa place dans le monde après avoir vécu un traumatisme, une perte, un phénomène spirituel ou d'autres événements troublants. Le questionnement existentiel tourne généralement autour de la nature de la réalité, de la nature de l'être humain, de nos origines et de notre destination après la mort. Le discours philosophique sur la possibilité de comprendre la nature de la réalité est complexe et constant. En tant qu'êtres doués de sensibilité, nous sommes confinés dans les limites de notre esprit et de nos capacités intellectuelles, en nous fiant uniquement à nos perceptions subjectives.

 

C'est une question légitime puisque la plupart des individus supposent le contraire ; même si l'on peut dire que nous connaissons la nature du caractère idiosyncrasique de nos expériences, le fait que nous soyons des êtres physiquement limités nous empêche de savoir quoi que ce soit sur la nature de la réalité tangible non-mentale telle qu'elle est.

Néanmoins, nous devons reconnaître à quel point nos impressions subjectives peuvent être incroyablement inconsistantes. Il peut être difficile de persuader autrui que leurs pensées et leurs sensations sont inexactes.

Considérant les points précédents, nous sommes plus enclins à douter des lois de la physique que de nos pensées en raison de la force de nos impressions subjectives. Nous sommes amenés à croire que la perception et la réalité sont identiques, l'esprit construisant sa propre réalité.

Nous pouvons observer et analyser les limites du langage et de la raison humaine pour discuter de la réalité. La négation de son concept est une approche valable.

Cette approche épistémologique de la nature de la réalité est connue sous le nom de rhétorique apophasique, c'est-à-dire l'obtention de connaissances par la négation.

Si la construction empirique peut servir de pont vers la nature de la réalité, elle ne permet pas d'en sonder l'essence.

La question demeure : Qu'est-ce que la réalité et la réalité ultime ?

Nous sommes des êtres matériels puisque nous naissons, vivons et mourons. Notre corps physique est soumis à de nombreux impératifs, dont celui de son environnement. Les sens nous permettent d'expérimenter et d'interagir avec le monde, en transmettant des informations à notre appareil cognitif par le biais d'expériences mentales conscientes telles que les pensées, les sentiments et les perceptions. La plupart des gens comprennent bien ce processus, mais comment la conscience naît-elle dans le cerveau ?

Dans la philosophie moderne, cette question est appelée “Le hard problem de la conscience” (David Chalmers).

Je considère que la plupart des réponses se trouvent dans la compréhension et l'utilisation de la méthode de l'involution ésotérique. L'évolution et l'involution sont des concepts qui ont une expression universelle et individuelle. Ces concepts se retrouvent dans de nombreuses traditions, telles que le Yoga, le Néoplatonisme et la Mystique Chrétienne.

Les termes Nirvritti se rapportent à l'involution et Pravritti à l'évolution dans le yoga. De nombreux pratiquants du yoga connaissent le terme sanskrit Vritti, qui fait référence à la fluctuation de l'esprit, tel que cité dans les Yoga Sutras.

Sri Patanjali définit le yoga comme "Yoga Citta vritti Nirodhah". Le yoga est le contrôle des fluctuations mentales - Sutra 1.2.

Citta est notre champ de conscience, Nirodhah est l'acte volontaire de contrôle, et Vritti est la fluctuation de notre conscience qui capte notre attention. Le processus de Pravritti, ou évolution du champ de conscience, intervient par des mécanismes innés et non appris ; notre conscience est attirée par une stimulation interne ou externe et la juge ou s'y identifie. Le processus de Nirvritti, ou involution, est un refus délibéré de répondre à la stimulation externe ou interne.

En fixant l'Esprit/Cœur sur un support (Alambana Sanskrit), généralement un objet de dévotion ou de concentration, afin de neutraliser le processus d'évolution de la conscience et de déclencher son involution.

Certains pratiquants expérimentés de la méditation peuvent entrer dans un état de pure conscience dans lequel il n'y a pas de pensées, de sentiments, de perceptions ou même de notions de soi, de temps ou d'espace.

Le cheminement vers la réalité fait depuis longtemps partie des différentes philosophies mystiques. Ces philosophies postulent l'existence d'une réalité absolue qui s'apparente à une conscience universelle ou à une force créatrice. Encore une fois, il est peut-être plus approprié de laisser ces concepts à l'état de non-représentation puisqu'ils échappent à la compréhension interprétative. Mais elles décrivent aussi avec conviction l'existence, en chaque être humain, du potentiel d'une instance dirigeante semblable ou de même nature que la force omnipotente qui veille sur le cosmos.

La Mandukya Upanishad (textes philosophiques et religieux hindous) décrit un état accessible à chaque individu, appelé Turiya, qui est indescriptible, incompréhensible et insondable pour l'esprit, mais qui est finalement réalisé comme le seul vrai soi, une réalité immuable, infinie, immanente et transcendante. Ce terme signifie littéralement le quatrième état, au-delà de l'éveil, du rêve et du sommeil profond sans rêve.

Dans la philosophie grecque, notamment dans le Néoplatonisme, le terme Hénose désigne l'unification avec l'essence de la réalité.

Selon le Néoplatonisme, l'âme est purifiée principalement par la philosophie, qui conduit à la perception noétique (sagesse intérieure, perception spirituelle) et, finalement, à l'union mystique.

Dans la Mystique Chrétienne, l’Etincelle de l'âme. n'est pas seulement une entité, mais un état d'être. Il s'agit d'un état dépourvu de toute détermination limitative, incarnant un potentiel infini et une liberté sans contrainte. Provenant d'un monde immatériel et purement spirituel, il peut néanmoins descendre dans le monde physique et se connecter temporairement à un corps, qu'il contrôle alors et utilise comme un outil pour se libérer des conditionnements et des contraintes de la matière.

Le langage moderne est considérablement appauvri en vocabulaire spirituel. La culture a été submergée par les idées et les concepts de la psychologie, rejetant tout un vocabulaire de l'expérience humaine. Nous pouvons accepter que la connaissance de la réalité n'est pas un droit acquis à la naissance et que nous naissons avec des limitations concernant la nature de notre être.

Ainsi, les civilisations anciennes et les sagesses du passé nous enseignent qu'il ne s'agit pas d'une vérité incontournable. Ces faits restent généralement cachés à la conscience humaine qui se trouve alors submergée par les impressions sensorielles et ne peut saisir ce que la partie la plus élevée de la conscience perçoit. Pourtant, il existe un moyen de dépasser cette ignorance en inversant le processus ontologique de la conscience.

Premièrement, en apprivoisant l'activité sensuelle à l'égard du monde par la reconnaissance de son caractère incessant et de la nature insatisfaisante du plaisir sensoriel pour procurer le bonheur.

Deuxièmement, en renonçant à l'autorité du processus mental dans notre relation avec la réalité.

Cet objectif est atteint par la méditation et la cultivation de la vigilance et de la tranquillité de l’esprit/coeur. Ces qualités sont appelées Abhyasa, la pratique, et Vairagya, le renoncement, dans la tradition du yoga, ou Nepsis, l’attention, et Hesychia, le silence, dans la mystique chrétienne.

 

Cela peut sembler irréaliste à certains et ne concerner que ceux qui se consacrent au renoncement. Ce n'est pas le cas.

En effet, il existe une gradation dans les éfforts spirituels, et cultiver un esprit en quête de savoir est à la portée de tous et constitue un véritable commencement. De plus, il ne s'agit pas de renoncer au monde et à ses attributs, mais de développer ce que l'on appelle "l'homme intérieur", qui désigne l'aspect spirituel d'une personne. Cette réalité innée est détachée de son opposé, "l'homme extérieur", l'aspect visible et externe de la personne. Cette vérité intérieure peut être polie comme un miroir réfléchissant orienté vers une conscience plus élevée. L'équivalent dans le yoga est appelé Antaratma Sadhana, la quête intérieure.

Différents états de connaissance peuvent être atteints en embrassant de manière participative toutes les expériences au-delà des sens, tout en développant une relation intérieure objective avec le silence qui émerge de ces pratiques.

La seule façon de savoir que nous existons en tant qu'être conscient est de faire l'expérience de notre propre conscience.


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