Permanente Impermanence… ou Yin-Yoga la pratique du lâcher prise
Permanente Impermanence… ou le Yin Yoga, la pratique du lâcher prise.
S.Pucelle -
Y a-t-il quelque chose de plus évident que le changement constant de tous les phénomènes de la vie ?
Pas besoin de chercher très loin pour saisir le concept d'impermanence, comme le cycle constant des saisons ou même le vieillissement naturel de notre propre corps…Il est évident que rien ne dure… Ni les journées ensoleillées, ni le confort de la jeunesse, comme la progression du soleil qui monte, brille et diminue dans le ciel, dès notre naissance la finitude de notre vie physique est implantée et la graine de l'impermanence germe ad libitum.
Observer l'impermanence, c'est observer notre mortalité.
Cette finitude, que nous partageons d’ailleurs avec tous les êtres vivants, ne va pourtant pas de soi, car nous vivons la plupart du temps dans l’oubli de notre propre mortalité, nous nous comportons comme si nous possédions l'avenir au lieu de célébrer le présent…
Il est bien sûr intimidant de faire face à cette vérité ultime et de s'en accommoder. Nous sommes réticents à nous souvenir de notre mortalité et persistons à maintenir notre droit à la vie.
Si seulement nous pouvions inviter une attitude d'acceptation et cultiver un peu plus de renoncement dans notre vie quotidienne, afin de cultiver la maturité nécessaire à notre épanouissement face à la facticité de notre existence matérielle.
La pensée et les enseignements bouddhistes nous parlent d’Anitya, ou impermanence, qui fait partie d'un concept philosophique appelé Trilakshana ou les 3 marques d'existence, Anatman Absence de Soi, Anitya la nature transitoire du monde phénoménal, Duhkha la souffrance du monde phénoménal.
Nous pouvons différencier deux types d'impermanence.
1. Grossier - changement de toutes les manifestations se produisant sur de longues périodes.
2. Subtil - changements intérieurs de l'esprit et changements invisibles de matières qui se produisent dans la plus petite unité de temps, de l'imminence d'un moment à l'autre.
L'impermanence est universelle et se manifeste dans tous les états conditionnés, du plus élevés au plus subtils.
Notre esprit ne peut pas percevoir les changements subtils de matières se produisant au niveau des particules ; il ne peut voir que les changements grossiers au jour le jour, d'heure en heure. Du perceptible au plus subtil, rien n'échappe à la loi de l'impermanence.
Si nous pouvons accepter l'axiome de l'impermanence et le règne éphémère de notre vie, nous aurons la compréhension nécessaire pour garder en nous les qualités essentielles à notre bonheur afin d’empêcher l'apparition d'états d'esprits négatifs tels que la cupidité, l'ignorance, la haine, l'orgueil, la jalousie, etc.… Cause d'inconfort, de souffrance et de confusion.
Faire face à la fugacité de la vie humaine a le potentiel de nous ramener à la seule réalité existentielle : le moment présent, avec suffisamment de discernement, d'appréciation et de perspicacité à son égard, pour atténuer, en quelque sorte, ces états d'esprit perturbateurs. Comme la fameuse locution du poète Horace "Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain", "et sois moins crédule pour le jour suivant" - Carpe Diem.
Il est appréciable et important de se familiariser avec notre impermanence, ce faisant, nous aurons gagné en liberté, nous tendrons vers un sentiment profond d'intemporalité, en embrassant notre mortalité, nous touchons le cœur même de notre existence. Certaines personnes ont tellement peur de la mort qu'elles ont peur de vivre, pourtant il y a une belle vérité à appréhender en acceptant ce processus de changement constant. Nous remémorer notre finitude au quotidien nous sera très utile au moment du dépouillement final, cette contemplation transforme la mort en alliée et offre un outil substantiel pour cultiver le lâcher prise sur la trivialité de nos affaires courantes et éventuellement une certaine sérénité au moment de passer de l'autre côté.
“La vie est la suppléante de la mort, la mort est le baptême de la vie. Qui comprend leur fonctionnement ? La vie de l'homme est un long souffle, quand il se disperse, il y a la mort. Et si la vie et la mort sont les concubines l'une de l'autre, alors pourquoi nous inquiéter ? “ (Philosophie Taoïste).
La méditation, bien sûr, est l'une des pratiques la plus adaptée à adopter, pour cultiver une forme d'aisance vers l'impermanence; cependant, la pratique du Yin-Yoga est également d'une grande aide.
L'énergie Yin est finalement l'énergie de l'abandon, de l'acceptation et du lâcher prise…
C'est avec cet état d'esprit et cette qualité de cœur que le Yin-Yogi s'approche du tapis, avec l'attitude de tout accepter et de ne rien garder. Dans l'approche du Yin Yoga nous maintenons la position plus longtemps ; trois à cinq minutes et souvent nous rencontrons des sensations inconfortables, la pratique nous prépare à rester avec des sensations intenses ou indésirables qui surviennent, apprenant à cultiver une réponse équanime vers le moment présent. Chaque fois que nous commençons à ressentir du stress ou des tensions s'accumuler dans notre système, nous recentrons notre attention sur un support physique subtile comme la respiration abdominale consciente, par exemple, cultivant la relaxation et l'abandon, combinant les asanas et la contemplation.
Le principal obstacle à notre liberté est notre rapport au lâcher-prise, non pas tant le fait de perdre ce que nous avons, mais celui de ne pas savoir à quoi nous attendre si on y renonce.
En d'autres termes, notre ignorance est le principal obstacle à notre liberté. Cela se traduit inévitablement par un attachement à ce que nous avons créé, c’est à dire notre identité.
Ce sont les afflictions décrites dans les Yoga Sutras de Patanjali, nommé les Kleshas, il y en a 5 et en voici les 2 premiers : l'Ignorance (Avidya) et l'Ego (Asmita). Les 3 autres sont les désirs (Raga), l'aversion (Dvesa) et le désir de continuité (Abhinivesha).
Pour le grand sage Maharishi Patanjali, Ishvara Pranidhana (la dévotion à une force supérieure) est une méthode souveraine pour diminuer l'emprise de l'ego, et la cohorte d'attachements qui l'accompagne.
C'est aussi un niveau de la pratique où l'attention est exacerbée. Ouvrant la voie à une harmonie avec ce qui est, plutôt que d'utiliser notre énergie à éluder l'inévitable. En abandonnant notre besoin délibéré de réagir à l'inconfort, nous apprenons à calmer le moment, permettant à la transformation d'avoir lieu ou au moins la possibilité d'une approche ou d'une attitude différente.
Comme Aitken Roshi le dit, professeur de Zen: "Le renoncement ne consiste pas à se débarrasser des choses de ce monde, mais à accepter qu'elles disparaissent." (Aitken Roshi).