Concentration & Révélations
Correspondance méditative entre Gautama Bouddha et Mahirishi Patanjali
S.Pucelle -
Si nous explorons les différents aspects de la méditation que nous trouvons dans les deux traditions du Yoga Hindou et du Bouddhisme, nous pouvons en déduire qu'il y a toujours eu une dynamique et une polarité interdépendantes dans la méditation. Les plus connus dans le système Hindouiste du yoga sont Dharana et Dhyana (concentration et méditation) que l'on retrouve également dans le systeme des 8 membres de Maharishi Patanjali (ashtanga).
Souvent, Dharana Dhyana sont associés à Samadhi (Absorption) pour former Samyama : (Samyama est un terme sanskrit qui décrit les trois membres supérieurs du système sequentiel de Patanjali : Dharana : concentration , Dhyana : méditation, Samadhi : absorption.
La méditation ou le fruit de la concentration
Dharana, dans le yoga, fait référence à la concentration de l'esprit. Pratiquer Dharana, c'est fixer l'esprit sur un objet particulier sans distraction.
Dharana donne la capacité de s'extraire de la manière conventionnelle de se rapporter à l'esprit, on commence à cultiver un état d'esprit neutre où les Citta-vrittis sont affaiblis (Citta vritti est un terme pour les pensées qui encombrent l'esprit dans le contexte du Yoga ou simplement mouvements de l’esprit). Si l'intention est affligée par des doutes et des pensées discursives, cela brise et diffuse l'énergie de la concentration.
Mais quand les Citta-vrittis deviennent moins perturbants, le témoin/l’observateur peut s’établir dans une certaine stabilité. Cette perspective donne lieu à un nouveau point d'observation où l'identification à une pensée peut se révéler, ou encore le discernement de la formation/origine d’une pensée ainsi que la volition de l'esprit, à ce moment précis.
Cette fixation de l'esprit conduit à une forme d'absorption, également appelée Eka-Grata, ou concentration sur un seul point focal.
Le yoga comme pratique psycho/spirituelle commence réellement avec Ekagrata et culmine avec Nirodha, une conscience libre de tout mouvement.
D'où le célèbre aphorisme de Maharishi Patanjali comme définition du yoga : "1.2 Yogas citta-vrtti-nirodhah" - Le yoga est le contrôle des fluctuations mentales.
Les différents termes sanskrits définissent différents types de fonctionnement de la pensée, ce qui implique toujours des nuances quant à l'identification du fonctionnement lui-même. L’agencement pourrait donc être le suivant, Dharana inclut Ekagrata, puis lorsque cet état est maintenu assez longtemps, il se transforme en Dhyana : qui est la capacité de rester concentré sur un objet de façon continue, pendant une longue période, sans effort volontaire, mais plutôt par un jeu d'équilibre, ce terme est souvent traduit par Méditation.
Dans son approche le Bouddha mentionne Vittaka & Vicara comme deux modalités d’expression de l'esprit, traduites par appliquer et soutenir, c'est la technique dynamique appliquée à l'esprit lorsque nous entrons dans le travail du contrôle de la pensée . À l'instar du Dharana et Dhyana du Yoga, le Bouddhisme propose 2 aspects de la méditation comme Samatha et Vipasana littéralement traduits par Calme établi et Vue Profonde.
Par sa spécificité Samatha, aide à garder le mental fixé et apaisé. Ceci est très similaire à Ekagrata, Samatha est souvent traduit par "pacification de l'esprit" ou "calme établi". Le but de la méditation Samatha est de stabiliser l'esprit en cultivant une concentration constante sur l'objet de la méditation. Comme pour Dharana, la pratique traditionnelle de Samatha utilise différents types de supports ou d'ancrages pour développer la concentration. L’entretien de la concentration de l'esprit conduit inévitablement à une pacification des activités mentales, et un sentiment de tranquillité et de calme envahit le pratiquant.
Vipassana se définit souvent comme une pratique qui recherche " la vue profonde de la nature de la réalité ", définie par Anicca " impermanence ", Dukkha " souffrance, insatisfaction " et Anatta " non-soi ".
Ces deux approches sont liées et dépendantes l'une de l'autre, elles sont également différentes et totalement autonomes dans leurs applications.
La concentration, une énergie pour la méditation.
Dans l'approche bouddhiste, Vittaka & Vicara sont les deux aspects interdependants de la focalisation de l’esprit
Dans l'approche du yoga hindouiste, nous parlons plutôt de Dharana et d'Eka-Grata, (mentionnés précédemment).
Ces deux approches nécessitent un effort délibéré pour canaliser les Citta-vrittis (défilement des pensées) dans une seule direction à l'exclusion de toutes les autres. Cette approche de la méditation par la concentration est plus Yang (active) par nature, et la capacité intentionnelle du praticien à revenir à l'objet de son attention sera égale à sa capacité à neutraliser l’avancée des Citta Vrittis. Cette définition est très similaire à la définition de la pratique Samatha dans le Bouddhisme.
L’éxperience méditative progresse vers une conscience accrue de ce qui est, sans intention d'intervenir dans la perception ou l'expérience qui se déroule. Cette approche est appelée Dhyana, la nature stable de Dhyana permet d'atteindre une vision plus profonde des choses en affaiblissant progressivement le sujet, c'est-à-dire l'identification d'être le méditant et l'acte de méditer. D'une certaine manière, on peut aussi dire que Dhyana est le résultat de Dharana.
Dhyana signifie contemplation, réflexion, induisant une conscience aiguë sans effort dirigé de concentration Car le contrôle générée par la concentration accumulée suffit à stabiliser l'esprit dans ce nouvel espace, une fois que les fluctuations mentales de l'esprit deviennent plus calmes et plus stables, nous entrons dans le domaine de la méditation.
Analogue à ce processus, les bouddhistes pratiquent l'approche Vipassana. Dans la méditation Vipassana, le méditant utilise sa concentration comme un outil pour permettre à sa conscience de percer le monde de la réalité phénoménale, et ainsi déconstruire le monde matériel qui nous entoure, cela peut surprendre mais cela inclut aussi le corps physique et la psyché. C'est un cheminement progressif et un travail d'abnégation qui, paradoxalement, nous fait découvrir une réalité beaucoup plus inclusive entre le relatif et l'absolu.
Vers une approche plus passive et résolument plus Yin
Comme l'interdépendance du Yin et du Yang, la montée de l'un donne naissance à l'autre.
Ainsi, la qualité de la concentration se manifeste par une conscience plus large de la disposition de l'esprit. L'effort change de façon subtile d’un effort dirigé et continu dans une direction a un effort maintenu de ce nouvel espace mental afin de préserver son équilibre. Ceci est une approche plus passive de l’appréhension mentale, qui devient plus Yin par sa nature et ses qualités.
Cela conduit généralement à des révélations sur la nature de l'esprit ou à un discernement sur la configuration psychologique du pratiquant.
Dhyana est la contemplation passive, réfléchissant l’objet de Dharana. Ainsi, la concentration cultivée dans Dharana influencera considérablement la disposition du méditant, l'énergie de l'esprit canalisée dans une direction, pendant un certain temps, commencera à rayonner à une fréquence beaucoup plus lente, ce qui peut être l'un des premiers signes de la concentration de l'esprit, le ralentissement de tous les rythmes : respiration, battements de cœur et activité mentale, laissant place à un sens de l'observation calme et perçant. Ceci était irréalisable auparavant alors pris dans les Citta-vrittis.
La méditation en général fait référence à une perception expérientielle directe. Ce n'est que lorsque nous pouvons expérimenter consciemment la nature de l'esprit, même pour un petit moment, que la propension d'un esprit méditatif se développera à travers les nouveaux Samskaras laissés (impressions mentales), c'est un processus qui demande patience et endurance.
Comme le Tao Te Ching (livre de la voie et de la vertu. Ouvrage classique chinois) le mentionne dans l’approche sur l'effort juste, Verse 29 - "La nature ne se presse pas, pourtant tout est accompli".
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